Publié le 10 décembre 2018

« Mutualiser ses forces pour mieux gérer le dernier kilomètre »

Répondre à l’explosion des livraisons, tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre, les nuisances sonores et l’impact sur le trafic : telle est l’équation à laquelle tente de répondre Jean-Louis Carrasco, directeur logistique urbaine au sein de la branche Services-Courrier-Colis.

Jean-Louis Carrasco, directeur logistique urbaine au sein de la branche Services-Courrier-Colis
Jean-Louis CarrascoDirecteur logistique urbaine au sein de la branche Services-Courrier-Colis
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Qu'est-ce que la logistique urbaine et en quoi constitue-t-elle un sujet majeur ?

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Jean-Louis Carrasco : L’e-commerce explose et avec lui le marché de la livraison. En 2016, rien qu’à Paris ce sont 100 000 colis qui ont été livrés chaque jour par La Poste. D’ici 2025, ce chiffre pourrait être multiplié par deux voire trois ! A cette problématique, s’ajoute la hausse des exigences des destinataires. Ils souhaitent recevoir leur colis toujours plus rapidement, et surtout où, quand et comme ils veulent. Parallèlement, les villes tentent de rendre leurs centres plus fluides, plus propres et plus attractifs. Elles durcissent leur réglementation relative au transport de marchandises. Certaines comme Strasbourg vont aujourd'hui jusqu’à interdire les véhicules de livraison en centre-ville pendant la journée, y compris les deux-roues électriques ! Face à ces enjeux contradictoires, le dernier kilomètre est devenu un véritable casse-tête pour les différents acteurs.

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Quelles réponses La Poste peut-elle apporter dans ce contexte ?

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Jean-Louis Carrasco : Avec sa flotte de véhicules électriques, le savoir-faire des postiers, son importante réserve foncière et ses nombreuses marques dédiées à la livraison (Colissimo, Chronopost, DPD, PickUp, Stuart, etc.), La Poste dispose de nombreux atouts. Mais cela ne suffit pas. Pour rester leader, elle doit continuer à mutualiser ses forces. C’est ce qu’elle fait déjà, avec le service « Chronofacteur », c’est-à-dire la livraison de petits colis Chronopost par les facteurs à destination des particuliers. Ou encore avec l’hôtel logistique urbain (HLU) de Bordeaux qui accueille en « temps partagé » les activités de DPDgroup, Chronopost et Colissimo. De la même manière, à Paris, le site courrier rue des Renaudes (17e arrondissement) accueillera un nouveau micro-dépôt de livraison Chronopost. Et pour aller plus loin dans l’optimisation, pourquoi ne pas inciter les différentes entités du Groupe à partager leurs véhicules de livraison ! Le foncier logistique urbain est devenu stratégique pour l’avenir de la livraison en ville .

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Comment La Poste se prépare-t-elle à l'interdiction des véhicules diesel d'ici 2024 à Paris et des véhicules essence en 2030 ?

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Jean-Louis Carrasco : Nous allons tester au cours du premier semestre 2019, dans le centre de Paris, la mise en place de micro-dépôts (100 à 300 m2). Ils seront approvisionnés en colis triés par tournées livreurs en amont, pour faciliter la distribution qui se fera en heures creuses. Pour les très gros colis, les groupages et les points relais les livraisons se feront avec des camionnettes 100% électriques. Ces micro-dépôts  serviront de base aux facteurs-livreurs qui rayonneront « en mode doux » - c’est-à-dire à vélo cargo ou à pied - dans le quartier. C’est bien sûr un modèle qui est amené à être répliqué dans d’autres villes, à condition de trouver la bonne équation économique.

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Mais comment demander aux facteurs de continuer à livrer « en mode doux » des tournées de plus en plus lourdes et volumineuses ?

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Jean-Louis Carrasco : Nous sommes en train de tester plusieurs solutions. Parmi elles, il y a le robot-suiveur. Il s’agit d’un chariot électrique capable de transporter plusieurs centaines de kilos et de suivre de manière autonome le facteur dans ses déplacements. Ses capteurs lui permettent de repérer l’agent postal, tout en évitant les passants sur les trottoirs. Cette solution apparaît particulièrement adaptée aux tournées mixtes (courrier et colis), qui nécessitent de s’arrêter à chaque porte, et aux villes dotées de bas-côtés élevés comme Paris. Pour les villes sans trottoirs, comme Strasbourg, ou les tournées plus longues, nous envisageons d’utiliser des vélos cargos à assistance électrique. Reste à savoir quel modèle est le mieux adapté à l’activité des facteurs : biporteurs, triporteurs, équipés d’une caisse à l’avant ou à l’arrière… Nous venons de lancer une consultation auprès de fabricants pour le déterminer.