Publié le 5 septembre 2018

Logistique e-commerce : La Poste adapte son outil industriel au J+1

Face à la croissance de l'e-commerce, Le Groupe La Poste fait évoluer son schéma industriel et ses organisations. Benjamin Demogé, directeur industriel, logistique et des systèmes d’information de la branche Services-Courrier-Colis (BSCC), expose les tenants et aboutissants de cette transformation.

Benjamin Demogé
Benjamin DemogéDirecteur industriel, logistique et des systèmes d’information de la branche Services-Courrier-Colis (BSCC)
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Pourquoi lancer un nouveau schéma industriel au Colis ?

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Benjamin Demogé : Grâce à l’essor de l’e-commerce, le marché du colis B to C [des entreprises aux particuliers] est en forte croissance. Afin de rester leader avec 70% de parts de marché, La Poste doit répondre à plusieurs enjeux stratégiques : capter la croissance du colis et de l’e-commerce international, renforcer les synergies entre la BSCC et Chronopost pour gagner en compétitivité, et enfin adapter son réseau de livraison à la croissance des colis.

La Poste a donc décidé d’investir 450 millions d’euros dans un grand programme de modernisation et de transformation au service de Colissimo. Pour trois raisons principales : le réseau actuel est saturé, il est adapté au J+2 alors que la croissance est portée par le J+1, il ne permet pas de réduire nos coûts dans un contexte de forte concurrence tarifaire. Nous allons donc ouvrir de nouvelles plateformes colis afin d’augmenter la capacité du réseau, l’adapter au J+1 et baisser nos coûts. Nous avons déjà annoncé l’ouverture de deux plates-formes Colissimo, une dans le Pas-de-Calais, une dans l’Isère, ainsi qu’un hub Viapost à Brive. D’autres annonces seront faites dans les mois qui viennent.

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Plus concrètement, que faut-il changer pour faire plus de J+1 ?

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Benjamin Demogé : Si l’on veut faire du vrai J+1, c’est-à-dire livrer le lendemain de la commande du client, il faut des plates-formes proches des lieux de production des colis (le Nord, l’Île-de-France, Lyon et le Sud) afin de limiter les coûts de transport et d’offrir à nos clients entreprises des heures de dépôt les plus tardives possible. Ensuite, il faut limiter les manipulations de colis. En les triant deux fois, on perd du temps et on fait moins de J+1.

C’est pourquoi il faut de très grandes plateformes avec des trieurs hautes cadences, beaucoup de portes à quai et des plateformes de préparation et de distribution (PPDC) adaptées au vrac. Si le client est à Lille et que l’on doit livrer Lyon en J+1, on doit aller directement dans l’agence de destination sans passer par une deuxième plateforme. C’est la raison pour laquelle nous ouvrons la plus grande plate-forme de France à Douvrin dans le Pas-de-Calais.

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Il s’agit donc gagner en compétitivité ?

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Benjamin Demogé : Oui car la concurrence est très forte, ce qui oriente les prix à la baisse. Pour cela, des actions majeures sont en cours: évolution technologique des machines pour les rendre beaucoup plus productives – augmentation des cadences de tri – mais aussi évolution du mode de transport, par exemple la généralisation des caisses mobiles. Actuellement, nous transportons les colis pour partie en vrac, pour partie en chariots. Demain, une majorité de colis seront transportés en vrac, ce qui nécessite des transformations lourdes de nos sites de production et de distribution.

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Autre grand enjeu, capter la croissance internationale de l’e-commerce…

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Benjamin Demogé : La croissance des échanges internationaux est impressionnante, en particulier l’import venant d’Asie. Nos volumes de petits paquets internationaux (PPI) ont augmenté de 30% en un an. La majorité de ces flux passe par la plaque de Roissy qui est saturée et historiquement adaptée au courrier. Aussi, nous avons décidé d’investir afin de la moderniser et de l’adapter aux marchandises. Nous aurons donc à Roissy un site dédié à l’export et un autre à l’import.

Nous travaillons par ailleurs au renforcement des capacités industrielles de Viapost qui traite aujourd’hui 100% des PPI et sommes en train d’investir pour les regrouper par tournées, ce qu’on appelle du tri fin, pour faciliter le travail des facteurs.

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Colissimo d’un côté, Chronopost de l’autre… Vous envisagez des synergies ?

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Benjamin Demogé : La BSCC et Chronopost partagent des clients et ont des produits parfois similaires. Il était donc logique de renforcer les synergies. Nous avons initié début 2016 la livraison des Chronopost par les facteurs. C’est une très belle opération de synergie intra Groupe. Ces flux sont d’ailleurs en croissance de 20% par an pour atteindre 12 millions cette année. Autrement dit, la BSCC est d’ores et déjà le premier partenaire de livraison de Chronopost.

Par ailleurs, la BSCC et Chronopost travaillent ensemble dans l’hôtel logistique urbain de Bordeaux, qui est une agence colis conjointe Chronopost/DPD/Colissimo. C’est une première dans le Groupe. Ce site a ouvert fin 2017 et il fonctionne bien. Son modèle pourra être dupliqué dans d’autres grandes villes lorsque l’ensemble des objectifs seront atteints.

Enfin nous avons une dernière action commune concernant l’interconnexion de nos systèmes d’information, afin que les colis de Chronopost puissent être triés dans les plateformes BSCC et vice-versa.

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Ces évolutions auront-elles des incidences sur l’activité du facteur ?

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Benjamin Demogé : Le développement de l'e-commerce est une chance car cela signifie plus de colis dans les sacoches des facteurs au moment même où le courrier baisse fortement. Nous devons donc adapter nos infrastructures, nos organisations et nos moyens de locomotion.

Du côté des infrastructures, nous adaptons nos sites de distribution au vrac avec la création de PPDC multi-flux. Nous allons également ouvrir des PPDC dans lesquelles la préparation des tournées colis sera totalement automatisés afin d’optimiser le temps des tournées de livraison. Une PPDC de ce type sera ouverte à Poissy d’ici la fin de l’année.

Du point de vue des organisations, nous envisageons de décaler le départ en tournée des facteurs, un peu plus tard le matin, afin d’augmenter le nombre de Colissimo distribués en J+1.

Enfin, pour les moyens de locomotion, nous disposons d’une flotte très diversifiée, adaptée à toutes les densités et types d’habitation, des immeubles en centre urbain aux fermes isolées en milieu rural. Elle évoluera en fonction de l’augmentation des flux de colis, et des contraintes de circulation que certaines municipalités mettent en place pour préserver l’environnement urbain.

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C’est d’ailleurs dans les villes que la croissance de l'e-commerce est la plus notable…

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Benjamin Demogé : Oui, la croissance de l’e-commerce n’est pas uniforme sur le territoire. La demande se situe d’abord dans les grandes villes où la population est plus jeune, plus digitale et avec un niveau de revenus plus élevé. C’est donc là que la croissance des colis et des PPI est la plus forte, là où il y a le plus de concurrence, et donc là où nous devons être les meilleurs. L’enjeu, c’est la qualité de service et les services à valeur ajoutée tels qu’ils sont par exemple inscrits dans la charte Livraison plus de Colissimo : suivi de bout en bout, livraison sur un créneau de deux heures, reprogrammation en cas d’absence, etc. Nous tenons cet engagement pour les Colissimo, en J+2, il faut le faire pour le J+1 et pour les PPI. Or, pour cela, nous devons maîtriser parfaitement nos opérations et les optimiser.