Publié le 2 octobre 2022

Le facteur et son vélo

Tout comme le médecin et son stéthoscope ou le maçon et sa truelle, il est difficile d’imaginer le facteur sans sa bicyclette. Retour sur une histoire de plus de 150 ans.

Elle trouve ses origines à la fin du Second Empire alors que le vélocipède de Michaux, tout juste né, est mentionné par la presse dans le service postal. Cette introduction ne s’opère ni à l’initiative des facteurs ni à celle de l’administration des Postes. E

Visuel d'un Timbre Vélocipède, Pierre et Ernest Michaux © Jean Delpech

Timbre Vélocipède, Pierre et Ernest Michaux © Jean Delpech 

lle provient de l’initiative originale de mécènes qui souhaitent aider quelques fonctionnaires valeureux. Le mouvement demeure marginal et rapidement entravé par la réalité d’une pratique compliquée : le dur apprentissage des facteurs, la lourdeur de leurs engins et l’état déplorable des chemins et sentiers durant la mauvaise saison, en plombent l’efficacité réelle.

Au tournant des années 1880/1890, des facteurs volontaristes et casse-cous s’emparent des nouvelles machines qu’on appelle alors les bicyclettes. En 1893, l’administration postale, qui s’était jusqu’alors contentée de tolérer cet engin, change de point de vue : elle exonère les agents vélocipédistes de l’impôt qui porte sur le vélo.En 1902, Léon Mougeot, secrétaire d’Etat aux PTT, fixe à 15 francs par mois l’indemnité payée aux facteurs ruraux faisant usage du vélo. En moins de dix ans, la Poste passe donc de la tolérance à l’incitation vis-à-vis d’un outil qui peut rendre service. Mais l’usage demeure minoritaire : avant 1914, seulement 3 500 des 25 000 tournées se font en selle.

La bicyclette va être popularisée par son utilisation au front lors de la Première Guerre mondiale pour la distribution du courrier aux Poilus.

Photo en noir et blanc d'un facteur en tournée à bicyclette, vers 1950

Facteur en tournée à bicyclette, vers 1950 © Musée de La Poste - La Poste, 2022

Puis c’est entre les deux guerres mondiales que le vélo gagne en importance dans le service postal. Si bien que le film de Jacques Tati Jour de fêtes (1949) en fait un élément central : l’intrépide facteur François, juché sur sa fameuse « Hirondelle » fabriquée par les ateliers stéphanois de Manufrance, est capable de toutes les prouesses. En 1965, 37 000 des 60 000 tournées en France se font à bicyclette, désormais si présente dans le paysage que même « la fille du facteur » s’en empare dans la ritournelle d’Yves Montand en 1968.

Originellement propriétaires de leur vélo dont ils avaient le libre choix, les facteurs voient un changement de politique à partir de 1996 : modernisé et fourni par l’entreprise, l’engin sera changé tous les cinq ans. L’équipement technique s’enrichit grâce à un dialogue entre les facteurs et l’entreprise : poids, ergonomie, sacoches pratiques, système de freinage et de stabilisation sont revus pour leur fournir le vélo postal idéal, dont la marque française Gitane se fait le fournisseur. Dès 2003, la sensibilisation au développement durable émerge dans l’entreprise et vient révolutionner l’ensemble des modes de transport postaux par la propulsion électrique : après les voitures, le vélo jaune passe au VAE (Vélo à Assistance Electrique). Cette nouvelle propulsion équipe le parc de 30 000 bicyclettes au milieu des années 2010. Ce plus grand programme d’équipement au monde d’une flotte cycliste fait de La Poste un acteur-promoteur précoce du vélo électrique, et ce bien avant le grand basculement des usages provoqué par la crise sanitaire à partir de mars 2020.

Photo d'un facteur à vélo qui dépose du courrier dans une boîte aux lettres

Préposé, distribution à vélo, 05/1989 © Musée de La Poste - La Poste, 2022/Photo André Tudela