Publié le 8 novembre 2018

International : quel avenir pour les échanges postaux ?

Quelques semaines après le congrès extraordinaire de l’Union postale universelle (UPU) et alors que Donald Trump menace de quitter l’UPU, Jean-Paul Forceville, directeur des relations européennes et internationales, fait le point sur les grands enjeux des négociations postales mondiales.

Quel est le grand enjeu de négociation internationale actuellement ?

Jean-Paul Forceville : Le plus important dans le congrès d’Addis-Abeba de septembre, c’est cette évolution majeure de la séparation entre les correspondances et les marchandises. Les petits paquets import (PPI) profitaient du trafic lettres, n’étaient pas considérés comme des colis ; pour des raisons de sécurité et du fait des flux chinois et du désir de nombreux pays – notamment européens – de les taxer, les modes d’acheminement et de prise en compte vont changer.

Les PPI conservent une spécificité, ne seront pas considérés comme des colis, nous avons défendu cette position car ils correspondent à une demande de bas de gamme pour l’e-commerce, comparé au colis qui s’est rapproché de l’express en termes d’exigences (suivi, retour…).

Quid de la menace de Donald Trump de quitter l’UPU ?

Jean-Paul Forceville : Nous avons en effet reçu une mise en demeure de la Maison blanche, selon laquelle la poste américaine, USPS, ne reçoit pas assez d’argent de la poste chinoise pour les petits paquets en provenance de Chine. Ils ont un gros sujet relatif aux opioïdes, substances de lutte contre la douleur notamment, prescrits très largement et occasionnant des phénomènes d’addiction. Nos concurrents ont convaincu le Congrès américain que l’essentiel des produits illégaux entraient par le courrier… Le cycle d’Istanbul, qui a commencé il y a deux ans, prévoit de fortes augmentations des frais terminaux sur quatre ans mais certains considèrent que ça ne va pas assez vite. Avant tout cela était noyé dans le courrier mais les entreprises postales qui ne font que de la poste dépendent de plus en plus des PPI, donc nous allons être sous cette forte pression jusqu’au prochain congrès de la part des États-Unis mais aussi de certains pays nordiques, du Brésil, du Canada…

Quels sont les grands enjeux du Groupe La Poste à l’international ?

Jean-Paul Forceville : Tout ce qui est lié au douanier et à la sécurité. De plus en plus de pays demandent la pré-alerte : que toute marchandise (petit paquet ou colis), avant de quitter le territoire, fasse l’objet d’un envoi d’informations au pays destinataire, afin qu’il prépare le dédouanement voire refuse l’envoi s’il considère qu’il comporte un problème de sécurité (substances dangereuses, armes…)

C’est lié au terrorisme, bien entendu, et ça s’est élargi, ainsi, les États-Unis ont légiféré et via le Stop Act, ce sont les opioïdes qui sont visés. L’Europe est en train de faire la même chose : en 2021, ne pourront plus entrer en Europe que des objets pré-avisés par le reste du monde.

Cela pose des problèmes opérationnels très importants ! Quand il s’agit d’e-commerçants l’info sera facile à obtenir mais pour des marchandises venant des particuliers, il faudra créer un système dans les bureaux de poste permettant de récolter l’information ! Le Stop Act exige que dans 3 ans 100 % des objets soient pré-avisés… Les automates devront être munis d’une nouvelle fonction et les chargés de clientèles, formés à saisir manuellement les informations nécessaires.

Peut-on parler de banalisation du fret postal ?

Jean-Paul Forceville : Tout à fait, il bénéficiait jusqu’à présent d’exemptions, or de plus en plus il va devoir respecter toutes les règles régissant les envois de colis. Cela coûtera un peu plus cher aux expéditeurs mais, étant donné le caractère très concurrentiel du marché, ces hausses tarifaires seront limitées.

Surtout, nous allons essayer d’augmenter les rémunérations que nous recevons des opérateurs tiers car, étant davantage importateurs, nous distribuons de plus en plus de PPI. Mais leur explosion sera probablement freinée par l’obligation d’appliquer la TVA aux objets entrants au premier euro, alors qu’il y a actuellement des franchises, et là bien sûr ce sont les produits chinois qui sont les premiers visés.

Peut-on être optimiste pour le CA du Groupe La Poste à l’international ?

Jean-Paul Forceville : Oui ! D’une part, le transfrontière européen, qui ne sera pas sujet à ces taxations, va continuer à se développer. Ensuite, est-ce que ce qui vient de Chine va poursuivre sa croissance aux niveaux actuels ? Nul ne le sait mais, vu que ce sont des produits de faible valeur, même taxés à 20 % ils resteront très compétitifs par rapport aux produits européens. Et la Commission va prévoir des moyens simples pour les e-commerçants afin de faciliter cette taxation.

L'UPU : réforme adoptée

La réforme de l'Union postale universelle, l'un des dossiers majeurs du congrès d'Adis-Abeba, a été adoptée, conférant aux pays en développement davantage de poids, donc de sièges au sein du Conseil d’'exploitation postale (CEP), l'instance qui traite tout ce qui est technique, opérationnel, commercial… Dans la foulée, une proposition déposée par des petits pays a été acceptée : 1/3 des membres du CEP seront désormais renouvelés au minimum lors de chaque congrès. Pour mémoire, l'UPU est une organisation intergouvernementale créée en 1874  et une institution spécialisée des Nations Unies. Siégeant à Berne (Suisse), elle constitue le principal forum de coopération entre gouvernements, postes et autres acteurs du secteur postal mondial. Elle assure le fonctionnement du réseau postal mondial, fixe les règles concernant les échanges postaux internationaux entre ses pays membres et formule des recommandations visant à stimuler la croissance du volume des échanges postaux et à améliorer la qualité de service au profit des clients. Organisé tous les quatre ans, le congrès est l’autorité suprême de L’UPU.